jeudi 6 février 2014

Les Drailles de la Galinette - Au pays de Pagnol


Le jour se lève à peine alors que je m'élance en direction du Garlaban sur les traces de Marcel Pagnol. La pluie n'a cessé de tomber toute la nuit et les nuages sont encore menaçants au moment de quitter la douceur de Cadolive. La raison dicterait aux gens raisonnables d'aller au plus court, mais ce serait se priver de la beauté de ce pays rendue mystique par les conditions difficiles.
Crête du Mont Julien
La première ascension me conduit sur les crêtes du Mont Julien battues par un vent glacial. Il est impératif de rester vigilant, les sentes sont terriblement glissantes et le moindre faux-pas peut être fatal. Au sommet, les premières collines calcaires du massif du Garlaban s'offrent à moi, mais derrière, point de Sainte-Victoire, elle est masqué par d'épais nuages bas... parait-il que la neige y est tombé en quantité ! Au-dessous de mes pieds à même la falaise se cache la grotte des Voleurs. Inutile de chercher à l'atteindre aujourd'hui... les parois humides et le vent la rende inaccessible et justifie son qualificatif.
Presque au sommet
La première descente dans le vallon du Ratier est délicate, grasse, il serait mal venu de s'y tordre un pied alors que le Garlaban est si loin encore. Alors je prends mon temps, je profite de chaque instant pour repenser à mes dernières découvertes.
Çà souffle au Mont Julien
Voilà près de 1h20 que je chemine, il est temps de ravitailler. Point de fruits secs ici, alors je pioche dans mes réserves pour me sustenter. Je ne m'attarde pas trop, le temps semble instable et je ne voudrais pas me retrouver pris dans un déchaînement des éléments.
Je pénètre dans le Vallon d'Oule puis bifurque droit dans la pente en direction du Col de l'Amandier. De là-haut, une première et magnifique vue sur la cité Phocéenne se dessine. Je reste un instant à contempler ce spectacle unique avant de plonger dans le Vallon de l'Amandier. Le soleil y brille furtivement, alors qu'il inonde les îles du Frioul un peu plus bas. Quelques kilomètres après, on atteint alors La Folie, nom bien porté par ce lieu dit, car il faut être un peu fou pour descendre si bas et remonter aussitôt si haut. Mais la nature et sa beauté se méritent, la folie en est le prix.
Vallon des Amandiers
La remontée vers le Taoumé passe dans le cirque des Trois Palmes, majestueux, vertical. Le sentier est engagé et il faut mettre les mains pour éviter les glissades. La pente est telle qu'on atteint vite le Plan de la Reine où il est temps de faire une petite pause. J'y retrouve Fred qui repart après un petit mot d'encouragement.
En remontant au Taoumé
L'ascension vers le sommet se fait toujours plus raide, mais je me sens vraiment à l'aise aujourd'hui dans cet exercice. J'atteins alors la grotte de Grosibou, celle là même que Lili fit découvrir à Marcel dans "le Château de ma Mère" alors que le tempête se déchaînait durant leur levée de pièges. Cette cavité traverse le sommet du Taoumé de part en part. Je n'y entrerais pas ce jour, car le temps presse et je dois me diriger vers le Pas du Loup puis vers Baume Sourne. Au col, je rejoins Fred pour de bon et nous poursuivons ensemble dans le vallon de Précatori puis le vallon de Passe-Temps.
Le cirque des Trois Palmes
Cette très longue descente technique dans ces vals encaissés nous offre quelques belles vues sur Marseille et quelques curiosités géologiques. Nous avons la surprise d'y croiser Pat, qui a fait tout ce chemin depuis Cadolive pour nous encourager. Tout en bas, c'est Christine qui nous attend avant qu'on reparte en direction du Garlaban. Les premières pentes sont plutôt douces et à flanc de coteau. On aperçoit juste au-dessus de la trace, la grotte de Manon, d'où Ugolin cria son amour à Manon.
Vue depuis les flans du Taoumé
Un court passage dans le vallon des Piches avant de traverser le très escarpé Pas Garrigue qui nous emmène au pied du Garlaban, un énorme bloc de calcaire posé à l'extrémité d'un petit plateau battu par les vents. Le Mistral y souffle d'ailleurs très fort et en rafale au moment on l'on passe. L'ascension est rapide, mais il fait particulièrement froid au sommet. Je n'y resterai qu'un bref instant pour apprécier la vue avant de replonger vers le col pour y faire une pause bien méritée après 25km et 3h50 à courir.
La grotte de Manon
En quittant le Garlaban sur une large piste, je commence à sentir une petite douleur dans le pli de la jambe au niveau de l'aine... une vieille douleur qui refait surface au mauvais moment. Pas de quoi me ralentir, certes, mais un petit grain de sable qui perturbe la machine alors qu'elle fonctionnait parfaitement jusque là. On alterne courte descente et remontée sèche et technique jusqu'au col du Tubé où le Mistral est toujours aussi froid. On replonge alors vers le lieu-dit les Grands Chênes dans une dégringolade technique difficile pour les genoux et les chevilles. On progresse sur des sentiers parfois devenus petits ruisseaux, parfois devenus tranchées boueuses. Heureusement les paysages sont toujours aussi beaux et nous font oublier la difficulté.
Le Garlaban
Puis, nous nous lançons, encouragés par des bénévoles, dans la dernière ascension du jour en direction des Grands Ubacs sur un sentier en balcon d'où nous pouvons admirer le domaine de Pichauris et le Collet Redon qu'on contournera avant de filer sur Cadolive. Après une descente où on double quelques coureurs peu à l'aise, on s'accorde une dernière pause avant les derniers kilomètres alternant faux-plats montant et descendant.
Le sommet du Garlaban
En repartant, nous traversons un secteur très boueux au pied du Collet Redon. Malheureusement, Fred y perdra une chaussure et ne voulant pas couper mon effort, j'ai pris quelques centaines de mètres d'avance qui tiendront jusqu'à l'arrivée. Dans une petite remontée, j'entends Pat appeler sa belle tel Ugolin! Elle n'est plus très loin! Et à mon tour d'être poussé par ses derniers encouragements, je relance de plus belle, car à ce moment, je crois qu'il est possible de finir en moins de 6 heures. Je résiste à la petite voix qui me dit de marcher... sois raisonnable ce n'est qu'une course de préparation! Mais l'envie est trop forte, je serais trop déçu de finir en un peu plus de 6h alors que je n'ai pas tout donné à la fin.
Vue de Marseille depuis le Garlaban
Alors, je pousse, je courbe l'échine, je passe encore deux coureurs, je donne tout dans la dernière descente toujours aussi glissante et arrive dans Cadolive à deux doigts de craquer, sans souffle. Une dernière volée d'escalier avalée, un long faux-plat où j'ai l'impression d'être arrêté, tirer en arrière par la fatigue... puis enfin le gymnase, la douceur de l'arrivée, et les amis du club qui me félicite.
Domaine de Pichauris
Quelle course! Magnifique d'un bout à l'autre. J'appréhendais le dénivelé total, mais je me suis surpris à m'y sentir finalement pas trop mal. Le plus difficile fut comme d’habitude les longs faux-plats où je m'épuise en courant... C'est dans ces parties que je dois progresser, dans les descentes également, car même si je suis capable de bien descendre, j'y puise encore trop dans mes réserves. Je suis très content de ma course, de passer sous les 6 heures sur un parcours difficile qui me convient bien avec de longues ascensions "pour randonneurs"! Une course où j'ai encore franchi un step après l'Hortus par exemple, où seule la fin était vraiment coriace.
Grands Ubacs
L'organisation de la course était bonne dans l'ensemble, les ravitos bien situés, complets, les bénévoles jamais avares d'encouragements et de sourires, des douches chaudes à l'arrivée (!!!), un bon repas copieux. Deux bémols toutefois, au départ, impossible d'entendre les consignes car les enceintes étaient trop loin... et  des petits cafouillages dans le chronométrage... Pour ma part, je ne retiens que le positif, pour le reste chacun se fera son opinion sur les performances réalisées... moi, je cours pour me faire plaisir et ce plaisir est de plus en plus dans la distance, alors à quoi bon la raccourcir?
Allez, je m'en vais relire mes classiques!


La trace (GPX ici) 40,7km

Le profil (2300m+)