dimanche 3 mai 2015

Le Saint-Guiral, une course dantesque



Il  y a deux ans après le Roc de la Lune, je m'étais promis de revenir pour participer au Saint-Guiral. Alors me revoilà en ce 25 Avril 2015 à Saint-Jean-du-Bruel pour récupérer mon dossard sous un ciel mitigé. Pas de pluie, mais pas le grand beau temps non plus! D'ailleurs, un peu plus loin côté Gard, il pleut à verse et les coureurs de l'Ultra du Pas du Diable partis à 4h du matin sont en train de se battre avec cette météo capricieuse.
Gorges de la Dourbie
Je profite de cette accalmie pour me balader sur les hauteurs du village et me dégourdir les jambes avant de filer à l'hôtel à Nant. Après une bonne mais courte nuit, je me lève à 4h, et un petit-déjeuner copieux, je viens me garer à proximité du stade de St-Jean pour faire badger mon dossard. J'ai la surprise d'y croiser Brice, un pote de club, qui accompagne un ami à lui venu peaufiner sa préparation avant l'Ultra Draille. On se dirige alors vers le centre du village vers l'arche pour prendre le départ.
A 6h, le top est donné. Je démarre tranquillement en queue de peloton, ma frontale visée sur la tête. Après une courte traversée du village, on attaque les premières pentes. Les jambes répondent bien, et je me réchauffe rapidement. Le début de course est très calme, pas un bruit, juste le souffle et les pas des coureurs. Sur les crêtes, les sentiers sont très techniques et raides, taillés à la serpe dans l'épaisse végétation caussenardes. Les descentes sont engagées, mais je choisis d'assurer pour éviter de me casser les cuisses inutilement.
Gorges de la Dourbie (Tayrac)
Après deux ascensions, j'arrive au premier ravito. C'est la cohue! Les bénévoles n'ont pas assez de bras pour servir tous les coureurs! Je réussie à attraper un verre d'eau que je descends d'une traite et je repars une barre de céréales à la main avec une féminine qui a un bon rythme et qui va me servir de lièvre pour les 15km à venir. On remonte sur les crêtes au-dessus de St-Jean par des traces très raides. Je suis étonné de voir des coureurs qui semblent déjà cuits. Celà dit en trois ascensions et 15km, on a déjà cumulé 1000m de positif!

Je rejoins alors une portion connue dans les Gorges de la Dourbie. J'étais passé ici-même il y a deux ans et je m'étais même pris une sacré boîte en voulant prendre une photo en courant... j'avais juste oublié qu'un mec ne peut pas faire deux choses à la fois... aujourd'hui, je me suis arrêté pour faire ma photo! Après une courte ascension, j'arrive à la Brunelerie, superbe petit hameau où est installé un point d'eau. Je fais les niveaux et je repars sans m'attarder. Après 20km, je me sens bien, pas d'alertes, mais la météo commence à tourner, le vent à se lever.
On emprunte une large piste qui nous ramène dans les Gorges au niveau du Tayrac où je me fais tirer le portrait par Yvan Arnaud himself! On longe alors les gorges en faisant quelques digressions, entendez par là, on part dré dans le pentu, et on redescend aussi sec d'où on arrive! Cà tire dans les pattes, mais j'y découvre quelques superbes plages de sables où il fera bon revenir se baigner!
Après une rude grimpée sur le fil d'un rocher, j'atteins le second ravito. J'y fais une bonne pause et en profite pour consulter le profil restant, les choses sérieuses vont commencer! Je zippe ma Gore-Tex en repartant car le vent commence à souffler continument et quelques gouttes à tomber. D'ailleurs, il n'en faut pas plus pour former un superbe arc-en-ciel venu saluer les courageux qui se lancent à l'assaut des hautes crêtes. L'ascension de la Montagne de Labarthe est toujours aussi belle. La végétation est en fleur et des odeurs de thym emplissent l'air. La vue sur St-Jean est magnifique.
Gorges de la Dourbie
Cette ascension se passe plutôt bien, je prends mon temps alors que le brouillard commence à nous envahir et l'eau à se déverser sur nos têtes par averses brèves mais intenses. Un point d'eau est présent au km32 environ. Un bénévole est présent et m'annonce le prochain ravito dans 3km. Il m'invite à descendre tranquillement pour récupérer car la portion qui arrive est de loin la plus difficile. Je m'exécute et approche tranquillement des Crozes Hauts. Mais au moment de traverser un petit ruisseau sans difficulté apparente, je glisse sur une petite pierre mouvante et fini les deux pieds dans l'eau... parfait!
Vue sur Saint-Jean-du-Bruel
J'entre dans la petite fermette qui accueille le ravito. Je suis tout seul pour l'instant. Il fait bon et çà sent la chèvre à plein nez! Je trouve du fromage et des tucs, mon pêché mignon! Je me goinfre et discute avec les bénévoles qui me révèlent que la prochaine côte est terrible et que le prochain ravito est à plus de 12km sans rien entre les deux... bon, çà va être long! Alors autant bien se blinder ici.
Je repars doucement sous une pluie toujours continue et un brouillard très dense, mais le balisage est très serré, impossible de se perdre! Et comme annoncé, çà grimpe très vite et surtout extrêmement raide... 35% de moyenne sur 600m et des passages à plus 45%... parfois même, mes bâtons me gênent pour progresser... j'en bave comme c'est pas permis, mais j'avance régulièrement. En haut de la "bosse" c'est le grand blanc! Rien à l'horizon si ce n'est un petit message inscrit sur le sol... "Cà, c'est fait"... ils ont de l'humour ces organisateurs!!! Une courte relance et on attaque la redescente raide dans un sol sablonneux. Je me remplie les chaussures des grains de sable ce qui est particulièrement désagréable. Je dois m'arrêter pour nettoyer çà et du coup me fait passer par plusieurs coureurs. Je continue sur une large piste qui m'emmène au pied de la crête qui conduit au Saint-Guiral.
Cà se couvre...
La météo se dégrade encore, comme si c'était possible... il commence à faire assez froid avec l'altitude, et les rafales de vent sont vraiment violentes. L'ascension du Serre du Cayla est terrible, elle aussi. Je traverse une mauvaise passe... je n'ai plus de jus, et j'avance très lentement... je m'alimente tant bien que mal, mais rien n'y fait. Je fais le dos rond et avance malgré tout, voyant tout plein de coureurs me rattraper et me distancer. J'atteins la crête où je pensais pouvoir relancer un peu, mais c'est juste impossible tant les conditions sont exécrables... le vent me couche une fois sur le côté sans dégâts, mais je me résigne à avancer en marchant c'est plus sûr.
Je ne sais pas à quelle distance, je suis du Saint-Guiral... plus j'avance, moins j'y vois... les lunettes couvertes d'eau... je commence à trouver le temps long et à me demander ce que je fous là... je m'accroche à petit groupe de coureurs et me bats pour avancer. Au détour d'une petite clairière herbeuse, j'aperçois sur ma droite une forme sombre et massive... c'est le Saint-Guiral et sa pyramide de granite! C'est le soulagement, je n'ai qu'à en faire le tour et à plonger vers la Croix de Guérite pour le ravito!
On n'aura pas beaucoup mieux...
J'entre sous la tente et c'est un formidable brouhaha qui m'accueille. Il y a plusieurs bénévoles dont certains sont là depuis la veille pour l'Ultra! On me tend un bol de soupe, que je descends goulument d'une traite! Cà fait un bien fou!!! J'en reprends deux fois histoire de me rassasier de salé. Je picore quelques victuailles supplémentaires et m'assois sur une chaise à proximité d'un chauffage d'appoint. Je vois rentrer des coureurs avec des regards perdus visiblement épuisés, j'ai du mal à voir ma tronche, mais je ne me pense pas dans un tel état. C'est terrible à avouer, mais voir les autres dans la difficulté me remonte le moral et me rend confiant sur ma capacité à terminer. J'apprends d'un bénévole que beaucoup de coureurs n'ont pas passé la barrière horaire au précédent ravito, près d'un quart! Je redémarre après 10 bonnes minutes de pause, je me sens beaucoup mieux, ragaillardi par ce ravito et par le fait de savoir qu'il ne me reste plus que 15km.
Heureusement, ce n'est pas par là!
Après une courte descente bien technique, j'attaque une remontée en sous-bois dans le vallon des Cabrières en direction du Pal. Si le vent s'était calmé plus bas, il me semble encore plus virulent par ici... sur la crête, les rafales sont terribles, les coureurs devant moi tanguent comme un bateau à la dérive dans une mer déchaînée. J'en suis au même point et je me cramponne à mes bâtons pour avancer. On replonge dans la vallée sans s'embêter avec les chemins! Zou, tout droit dans la pente. J'essaie de soulager mes quadris au maximum avec mes bâtons, mais ma technique en descente laisse à désirer... une fois en bas, on remonte inévitablement. Cette piste qui m'avait paru interminable il y a deux ans, passe assez facilement cette année malgré tout ces km en plus! J'en suis le premier surpris.
St-Guiral en vue!
De retour, sur le crête, j'affronte les rafales les plus violentes dans la journée. Le vent m'hurle dans les oreilles, m'inflige des uppercuts, c'est la guerre là-haut! Je n'ai que 500m à faire avant de replonger vers le ravito, mais ce sont les mètres les plus long que j'ai connu. La pluie tombe à l'horizontale et passe dans ma capuche pour me tremper de l'intérieur, l'eau passe sous les verres de mes lunettes m'empêchant de voir où je pose les pieds. Ce passage est véritablement dantesque. Lorsque je bascule, c'est le soulagement. Une rangée de pin m'abrite, mais j'entends toujours les coups de canon résonner. Je plonge sous la toile de tente pour m'abriter et pour me ravitailler une dernière fois.
Je ne m'éternise pas et repars rapidement avec un petit groupe. Je sais que la fin du parcours est dans les bois ce qui me rassure car je n'ai pas trop envie de retourner sur les crêtes! Je me sens super bien, bon, tout est relatif évidemment, mais je trouve que le rythme devant est lent, alors je double et m'échappe. Je me retrouve rapidement sur des sentiers en terre rendus très glissants voire impraticables par la pluie et le passage des autres coureurs. Je me prends plus belles gamelles, m'étalant de tout mon long dans la boue... au hameau de Valescure, des enfants rigolent de nous voir tous aussi crottés! La dernière petite bosse ne sera qu'une formalité malgré la boue qui la rend très glissante. Me voilà dans la dernière ligne droite qui mène au village. Après une ultime boite sur une pierre bien mouillée, j'entre dans le village sous les hourras de la foule en délire!!!........Quoi, c'est pas crédible ??? ^^, bon ok, j'entre sous les bravos des quelques courageux (fous?) qui affrontent la pluie, mais çà fait chaud au coeur tout de même. Je franchis la ligne après un petit tour de stade et surtout après 11h45 d'effort dont une bonne partie dans des conditions incroyables!

Bientôt, çà va bastonner!
Avec un peu de recul, certes c'était une course bien plus difficile que prévu, courue dans des conditions infernales, mais j'ai pris du plaisir, plutôt au début c'est sûr, mais j'ai envie de revenir et faire ce parcours sous le soleil avec des copains sans le stress du dossard. Terminer cette course est déjà une belle performance et je sais maintenant que je suis capable de finir un bon paquet de trail de montagne de ce format. Les bénévoles sur le parcours étaient géniaux, sans eux, je ne sais pas si j'aurais terminé. L'organisation plus généralement était parfaite, ravito bien garnis, balisage exceptionnel, douche chaude à l'arrivée, repas copieux. Bon, et maintenant après le 30 et le 60 ???

(Attention, ce parcours est susceptible d'emprunter des chemins privés ouverts uniquement le jour de la course. Merci de ne pas les emprunter sans autorisations)

1 commentaire:

Yvan ARNAUD a dit…

Bravo pour ta course ( dans des conditions vraiment pas faciles) et pour le récit.
Et merci pour le clin d'oeil.