vendredi 10 juillet 2015

Ultrachampsaur, ou quand JJG hante mes courses!


Après le Ventoux et le Saint-Guiral en début d'année, je pensais avoir eu mon lot de courses dantesques, c'était sans compter sur les surprises réservées par cet Ultrachampsaur et cette météo caniculaire...
Y'a pire comme vue!
Arrivés le vendredi soir avec Thierry, nous prenons possession de notre gîte en plein centre du village à 100m du site d'arrivée de la course! Après un petit tour dans les alentours, nous pouvons profiter de la fraîcheur du soir pour manger en terrasse avec vue sur les montagnes! Le pied!!!
Le lendemain matin, petite rando vers St-Philippe pour s'oxygéner avant les fortes chaleurs de l'après-midi. Au retour, nous fonçons dans la charmante brasserie d'Ancelle pour nous approvisionner en boisson locale! L'après-midi, nous tentons une sortie sous une chaleur accablante pour récupérer nos dossards et acclamer les participants du 12km qui arrivent dans le village.
Il est alors temps de se préparer pour la course. Ultime vérification du sac, de la tenue, de l'eau, etc... un bon repas et on essaie de se coucher tôt. Mais avec cette chaleur, le stress et surtout la fête foraine pas loin, difficile de fermer l'oeil...
A 2h30, le réveil sonne. J'émerge lentement de ma torpeur avec heureusement la fraîcheur de la nuit qui fait du bien. A 4h, nous prenons la navette qui nous emmène au son de quelques classiques de la chanson française, J.J.Goldman en tête, au départ à Molines en Champsaur, joli petit hameau de quelques fermettes au fond d'une vallée cernée par de belles crêtes. A notre arrivée, c'est le calme absolu, pas un bruit dans la nuit. La lune nous éclaire, le temps que le soleil prenne le relais. Avec Thierry, nous nous allongeons en attendant le départ histoire de se détendre et emmagasiner de la fraîcheur pour la journée à venir.
A 5h30, les enceintes commencent à distiller les paroles du speaker ainsi que le bon son de Pink Floyd. Le jour se lève doucement et à 5h45, le départ est donné dans la fraîcheur de cette vallée encaissée.
Site de départ
Cà démarre très vite! Trop vite... avec Thierry on lève vite le pied pour se caler dans le milieu du peloton. Nous longeons le torrent de la Muande dans un silence à peine voilé par le son des chaussures frappant la piste. Après quelques kilomètres roulants, nous attaquons enfin les premiers vrais lacets en forêt. On s'élève rapidement, traverse quelques petits ruisseaux, sous les encouragements des quelques signaleurs présents. Après une bonne heure, on commence à voir les crêtes baignées par le soleil, c'est superbe et çà donne envie de monter encore et encore pour admirer la vallée. Cette ascension est assez facile, la pente est modérée et la fraîcheur encore présente nous permet d'éviter les surchauffes. On arrive au premier col du jour, le col de la Pisse à un peu plus de 2300m. Magnifique vue sur le Champsaur et la vallée du Drac. A gauche, le sentier pour gravir le Vieux Chaillol à plus de 3000m et à droite le tracé de la course qui redescend au village de Chaillol.
J'attaque la descente sur les freins afin de me préserver. Je me retourne, mais plus de Thierry, il a dû s'arrêter. Je continue, il me rattrapera de toutes façons sans difficultés. Pas de piège sur ce sentier facile en terrain dégagé. Plus bas, un peu plus de cailloux en entrant dans la forêt, mais rien de méchant. J'arrive au premier ravito en bonne forme et fais une courte pause pour voir si Thierry arrive. Ne voyant rien venir, je poursuis gentiment la descente vers Pont-du-Fossé.
Pic de Queyrel
On suit un sympathique sentier en balcon qui passe sous le Palastre. On traverse un joli petit hameau avant de plonger vers le fond de vallée. En entrant dans le village, une jolie fontaine en bois trône au bord du sentier. J'en profite pour me tremper les bras, les jambes et la tête car il commence à faire très chaud... il n'est que 10h... Au ravito, plusieurs coureurs sont allongés dans l'herbe et semblent exténués, ce qui me surprend car on n'a parcouru à peine 24km... je fais une pause un peu plus longue que la précente, je remplis mes bidons, mange et bois beaucoup et repars. Toujours pas de Thierry à l'horizon!
Vue sur la vallée du Champsaur depuis le col de la Pisse
On quitte Pont-du-Fossé par une petite route qui grimpe franchement puis on bifurque sur une sentier qui est encore plus raide. Toujours à l'ombre, on s'élève en direction des dents du Cuchon. Je commence à peiner dans les fortes pentes, puis au niveau de la ruine de Coste Belle, je reçois un coup de bâton sur le derrière, c'est mon Thierry, tout souriant qui revient. Il me dépasse sans difficultés, et je lui emboîte le pas. On rejoint alors une piste qu'on va suivre un bon bout de temps en faux plat. Ce type de profil ne me convient pas à moi et ma vitesse pourrie, alors je laisse Thierry filer l'air facile. Les rubalises nous indiquent de bifurquer à gauche, droit dans la pente, mais mon Thierry est parti tout droit... aussitôt, un coup de sifflet (comme quoi çà sert!) et il se rend compte de son erreur! Il me redouble et me redistance dans la pente particulièrement raide.
Le Palastre
On attaque certainement la portion la plus dure du parcours, en tout cas pour moi... Je ne m'attendais pas à une telle pente de près de 30%... on monte en lacets pendant une éternité, je dégoupille complètement, et Jean-Jacques Goldman commence à résonner dans ma tête... alors détrompez-vous, j'adore JJG, mais quand dans ta tête, c'est "la vie par procuration" que tu entends et tu es dans le dur... ben, çà aide pas!!! Encore, un "je marche seul" ou un "au bout de mes rêves" çà me boosterait, mais là, çà me colle au fond du trou!!!... je m'arrête à tout les virages pour retrouver mon souffle, l'agonie... tout le monde me double, rien à y faire... comme d'hab, je fais le dos rond et avance pas à pas jusqu'à enfin apercevoir la fameuse crête ruiniforme. Je fais un bon break là-haut, photos, pom'potes, discutailles avec la bénévole, et je repars doucement vers le ravito quelques mètres plus bas.
Du coup, pause courte au ravito, juste le temps de remplir, enfin de me faire remplir mes bidons! Oui, les bénévoles sont aux petits soins et nous remplisse nos bidons! Çà c'est du service! Du coup, je repars rapidement dans la descente caillouteuse en direction de la vallée de la Rouanne. Cette portion est terrible, un vrai traquenard à cheville... çà roule sous le pied en permanence, impossible de dérouler la foulée et de se relâcher un peu... à çà s'ajoute le soleil qui tape sur la roche qui nous restitue toute sa chaleur emmagasinée, c'est une fournaise et pas d'arbres pour nous abriter... et quand on en finit enfin avec ces 600m de D-, on arrive sur une large piste empruntée par quelques voitures qui soulève la poussière à notre passage... je passe un moment difficile, mais la vue du torrent sur ma droite me donne de l'espoir car je vais pouvoir m'y rafraîchir!
Le Piolit, l'Aiguille et l'Arche depuis le Cuchon
Avant çà, passage au ravito km38. J'aperçois Thierry de l'autre côté du torrent qui repart, je suis 10 minutes derrière à peine. Je trouve une petite chaise libre au ravito alors je m'affale dedans... il fait super chaud, il est midi, je commence à avoir sérieusement faim... il est temps de faire une vraie pause, tant pis si je me fais doubler. Chips, tucs, banane, eau, tout y passe. Je remplis le bonhomme!  Et je repars après 10 minutes d'arrêt et surtout après une bonne trempette dans le torrent.
Le reprise est au frais dans un sous bois, mais hors sentier. Je croise quelques coureurs qui font une pause à l'ombre, c'est plutôt bien vu car après la sortie de la forêt, on est bon pour une ascension complète en plein soleil! On commence à croiser des coureurs du 30km qui suivent le même parcours mais à l'envers, ce qui est assez perturbant. Mais, on a le droit à quelques encouragements. Je monte à mon rythme, c'est à dire, lentement et perds quelques places. Le soleil me tape franchement sur le casque et JJG revient à la charge... horreur... je deviens fou... j'essaie de chantonner un truc plus motivant, mais rien n'y fait... je suis condamné!... Je passe avec joie (car je n'en pouvais plus de monter et d'avoir écouter 20 fois la même chanson...) le col de la Pourrachière à près de 2200m et le vent se lève un peu pour me rafraîchir. On redescend alors brièvement vers quelques petites cabanes où est placé un ravito.
Petite Autane
A mon arrivée, un bénévole me propose direct un pastis... WTF... non!!! Je veux pas claquer tout de suite... du coup, il me propose une clope... non, mais sérieux... le soleil lui a tapé sur le casque! J'en reste donc à l'eau et au sirop de menthe, aux chips et aux oranges, c'est plus sain. Avant de repartir, je plonge ma casquette dans un abreuvoir et m'asperge copieusement.
C'est reparti pour l'ascension finale du Piolit. Cà débute par un long sentier caillouteux qui monte tranquillement vers le col de Chorges. De là, une vue magnifique sur le bassin Gapençais et le Lac de Serre-Ponçon s'offre à nous. Séquence photo, barre de céréale et c'est parti la terrible ascension de ce sommet. La pente est dantesque... 40% de moyenne sur la fin... le vent n'aide pas se stabiliser, ni JJG d'ailleurs qui ne me quitte pas. Je fais des micros pauses régulières pour respirer. Je me fais rattraper et déposer par quelques coureurs je ne sais sortis d'où! Ils ont un rythme incroyable à ce stade la course... Je lève les yeux, ils sont au sommet alors que j'ai à peine parcouru dix mètres... çà file un coup au moral... mais je serre les dents, et continue jusqu'à atteindre pour la troisième fois ce Piolit! Et pour la première fois, avec une vue dégagée!!! Quel pied!
Grande Autane
Je fais encore une grosse pause, tape la discute avec les courageux bénévoles qui sont là depuis des heures, et repars non sans avoir pris quelques photos de cet endroit magique. Le début de la descente est très raide et technique. J'assure en marchant, puis reprends la course. Je double quelques coureurs qui ont l'air plus cuit que moi. Mais qu'elle est longue cette descente, longue, si longue que JJG me rattrape... et il n'y a plus un souffle d'air, c'est l'enfer ici, je cuis sur place... j'ai l'impression d'être un bout de viande sur une plancha... et pas une petite forêt pour profiter de l'ombre... je vide mes bidons à l'approche du dernier ravito au pont des Italiens.
Col de Chorges et Piolit
Là, encore quel accueil! Les bénévoles sont extra, je n'ai rien à faire! Je me prendrais presque pour un coureur élite qui n'a qu'à faire signe pour qu'on lui change ses bidons et qu'on lui remplisse ses poches de barres de céréales! Je repars requinqué et décidé à en finir avec cette course.
Après une large piste forestière, on attaque une portion sur route que je redoutais. La pente est assez franche au début, puis plus douce par la suite. Mais, vu la fatigue accumulée et surtout le soleil au zénith, impossible de courir. Alors, je batônne. Tic, toc, tic, toc, tic, toc... je frappe ce foutu bitume jusqu'à atteindre le col de Moissière d'où nous avons fait notre petite balade la veille avec Thierry. Un peu plus loin, je traverse le hameau de Moissière en direction de la dernière difficulté du jour, Pinouse! A une lettre près c'était le bonheur, mais je suis encore loin du compte!
Lac de Serre-Ponçon depuis Col de Chorges
Cette dernière pente est copieuse, je l'entame en marche arrière retenu par JJG qui a décidé de me maudire aujourd'hui! Je fais une halte au milieu de ces 200m de dénivelé pour profiter de l'ombre... j'ai de plus en plus mal à mon pied droit, sur le dessus du gros doigt de pied, je peux à peine dérouler ma foulée... dans la descente finale, chaque pas me délivre une décharge saisissante... je tente de trouver une parade sans trop de succès... un coureur que j'ai croisé à de nombreuses reprises me rattrape et on discute un peu. Il finit par me distancer car je n'arrive pas à avancer. Lorsque j'arrive enfin au torrent qu'il ne reste plus qu'à longer jusqu'à Ancelle, j'arrive, je ne sais par quel miracle, à tenir une foulée correcte à 10km/h! J'ai mal au pied certes, mais c'est supportable, et en plus je reprends des coureurs un par un qui marchent. Je rattrape même mon bonhomme du club de trail de la Ste Victoire et lui fait signe de prendre ma foulée. On repart alors à bon rythme et entrons dans Ancelle sous les félicitations de quelques spectateurs. On passe finalement la ligne après 12h24 d'effort... incroyable! Pas une seconde, je n'imaginais passer autant de temps sur cette course! Mais il faut croire que je me suis vu trop grand et que j'ai encore à apprendre, surtout en haute montagne!
Col de Moissière
A peine la ligne franchie, je retrouve Thierry tout fringuant et douché, il a passé la ligne, il y a une heure... j'en profite pour lui demander de me récupérer mes tongues au gîte juste à côté pendant que je trempe mes jambes et mon pied endoloris dans la fontaine sur la place du village. On discute et partage nos impressions. Il est évident qu'on est parti trop vite, moi encore plus, ce qui explique ma défaillance sur la deuxième moitié de la course. Il faut vraiment que je me force à partir lentement si je veux aller loin. Il faut aussi que je reprenne sérieusement le fractionné, je sens que je ne suis plus en forme comme je l'étais en début de saison. Autre point négatif, je suis parti avec des chaussures déjà trop usées, trop molles... et sur un parcours comme celui là, c'est une erreur... Résultat j'ai chopé une bonne tendinite sur le dessus du pied car ma chaussure se pliait vers l'intérieur et venait appuyer sur mon tendon... une semaine après, j'ai encore un mal de chien... enfin dernière chose, il faut vraiment que JJG me lâche les baskets!!!
(Attention, ce parcours est susceptible d'emprunter des chemins privés ouverts uniquement le jour de la course. Merci de ne pas les emprunter sans autorisations)

1 commentaire:

Thierry a dit…

Bravo Romain pour ce magnifique recit !